En Algérie, de nombreux enfants sont pris en charge par des familles dans le cadre d’une kafala. Ce dispositif juridique permet à une personne ou un couple de recueillir un enfant abandonné sans pour autant établir un lien de filiation. Nous vous expliquons sa procédure légale, ses conséquences juridiques, ainsi que les démarches à suivre pour obtenir un visa vers l’étranger, notamment la France, dans le cadre de ce dispositif.

Qu’est-ce que la kafala en Algérie ?
La kafala (الکفالة) est un terme d’origine arabe qui signifie « prise en charge ». Sur le plan juridique, elle est définie à l’article 116 du Code de la famille algérien (loi n°84-11) comme le recueil légal d’un enfant mineur algérien ou étranger, abandonné ou orphelin, par une personne ou un couple, sans création d’un lien de filiation.
La kafala oblige le kafil à héberger l’enfant, le nourrir, l’éduquer, le soigner, l’inscrire à l’école ou à l’université et à lui demander des documents administratifs.
Les conditions pour obtenir une kafala
Plusieurs conditions doivent être réunies pour garantir la sécurité et le bien-être de l’enfant pris en charge, à savoir :
- Être de confession musulmane : La kafala n’est accordée qu’à des musulmans, en raison de ses fondements religieux ;
- Être majeur, sain d’esprit et capable d’éduquer un enfant ;
- Disposer de revenus suffisants et d’un logement adapté ;
- Ne pas dépasser l’âge limite : environ 60 ans pour l’homme, 50 ans pour la femme (si vous êtes algérien à l’étranger, selon les règles des consulats).
Quelles sont les démarches pour demander une kafala en Algérie ?
La procédure de la kafala est strictement encadrée par la loi et nécessite la rédaction d’un acte de kafala officiel, établi soit par un notaire, soit par le président du tribunal compétent. Cet acte est indispensable pour obtenir ensuite une attestation de kafala.
Les documents à fournir varient selon que l’enfant est de filiation inconnue ou connue, comme suit :
👉 Pour un enfant dont les parents sont inconnus :
- Une demande manuscrite rédigée par le kafil (le tuteur) ;
- L’acte de naissance de l’enfant ;
- L’acte de naissance du futur kafil ;
- La présence de deux témoins qui attestent de la réalité de la prise en charge ;
- Une déclaration sur l’honneur indiquant que la mère biologique est inconnue ;
- Un certificat de situation familiale, fourni par la Direction de l’aide sociale ;
- L’acte de kafala, établi par le notaire ou le juge ;
- Un timbre fiscal.
👉 Pour un enfant dont les parents sont connus :
- Une demande écrite du kafil ;
- L’acte de naissance de l’enfant concerné ;
- L’acte de naissance du kafil ;
- Une autorisation écrite des parents biologiques permettant la kafala ;
- Un certificat de situation familiale, délivré par les services sociaux ;
- L’acte de kafala, établi par le notaire ou le juge ;
- Un timbre fiscal.
Le dossier complet doit être présenté auprès du président du tribunal territorialement compétent, c’est-à-dire celui dont dépend la résidence du futur kafil.
Le temps d’instruction dépend de la complétude du dossier et de la commission, généralement plusieurs mois (parfois 3–6 mois selon les témoignages).
Demande de kafala pour les Algériens résidents à l’étranger
Si vous êtes un couple algérien résidant à l’étranger et souhaitez effectuer une demande de kafala, il est nécessaire de constituer un dossier complet, à remettre auprès du consulat algérien de votre lieu de résidence.
📝 Documents requis :
- Lettre de motivation : un courrier expliquant clairement les raisons personnelles et familiales qui vous poussent à vouloir prendre en charge un enfant par kafala ;
- Actes de naissance des deux demandeurs : versions intégrales ou formulaires S12. Pour les personnes nées hors d’Algérie, les actes doivent avoir été transcrits au consulat algérien ;
- Fiche familiale d’état civil ;
- Photocopie de la carte d’immatriculation consulaire : à fournir pour chacun des époux ;
- Extrait de casier judiciaire : délivré par les autorités du pays de résidence (par exemple la France), daté de moins de trois mois ;
- Justificatif de situation professionnelle : attestation de travail récente ou tout autre document indiquant l’activité exercée ;
- Trois bulletins de salaire récents correspondant aux trois derniers mois ;
- Dernier avis d’imposition : portant sur l’année fiscale écoulée ;
- Justificatif de logement : titre de propriété, bail locatif ou tout autre document prouvant la stabilité du logement ;
- Certificat médical attestant de la bonne santé de chaque membre du couple ;
- Résultat de test sérologique (HIV) : à jour et nominatif pour chaque époux ;
- Copies des titres de séjour : ou tout document prouvant la régularité de la résidence ;
- Évaluation psycho-sociale : réalisée par les services sociaux du pays de résidence, accompagnée de l’agrément correspondant (selon l’accord franco-algérien kafala) ;
- Photographies d’identité : deux photos récentes et identiques pour chacun des deux époux.
Si vous avez obtenu une kafala en Algérie et que vous souhaitez emmener votre enfant à l’étranger, en France par exemple, sachez que la procédure peut être complexe. En effet, la France ne reconnaît pas la kafala comme une adoption et l’enfant n’a pas automatiquement droit à un visa ou à un titre de séjour. Vous devez demander un passeport algérien pour l’enfant et un visa long séjour auprès du consulat pour obtenir un visa.
Il n’y a pas de durée fixe. Toutefois, si l’enfant a des parents connus, ceux-ci peuvent demander son retour. Si l’enfant est en âge de discernement (en général à partir de 13 ans), il peut lui-même choisir de rester ou non avec le kafil. En dessous de cet âge, la décision revient au juge. Le kafil peut renoncer à la kafala. Dans ce cas, la demande doit être présentée devant la même autorité qui avait initialement validé la kafala, soit le notaire, soit le tribunal.
Un système d’accueil légal d’un enfant mineur sans filiation
La kafala en Algérie est un engagement moral et juridique durable, distinct de l’adoption, soucieux de préserver les droits de l’enfant.
Bien encadrée légalement, elle offre aux familles musulmanes un moyen reconnu de protection, avec des procédures précises et des implications importantes en matière de visa, filiation et droits successoraux.
FAQ
Quelles sont les causes de fin de la kafala ?
La kafala prend fin dans plusieurs cas : lorsque l’enfant atteint l’âge de 19 ans (majorité), en cas de retour sous la tutelle de ses parents biologiques — avec décision personnelle de l’enfant s’il est en âge de discernement (13 ans), ou décision du juge s’il ne l’est pas.En outre, la fin de la kafala est possible en cas de renonciation du kafil (tuteur) via une demande en justice notifiée au ministère public, ou encore en cas de décès du kafil, auquel cas les héritiers peuvent reprendre le recueil. Sinon l’enfant est confié à ses parents biologiques s’il a une filiation connue ou un organisme compétent.
Une femme célibataire peut-elle obtenir une kafala ?
Oui, une femme seule peut tout à fait obtenir une kafala en Algérie si elle remplit les conditions requises (voir ci-dessus).
Est-ce que la kafala permet l’adoption ?
Non. La kafala ne crée pas de filiation. Elle ne permet ni le changement de nom ni l’héritage automatique, sans testament.
Peut-on emmener un enfant sous kafala en France ?
C’est possible, mais cela nécessite un passeport et un visa long séjour auprès du consulat français.